06 Février 2024 – Le Choeur Grégorien du Mans en concert
Article publié dans le Maine libre (cliquer sur la vignette)
A l’occasion des 40 ans du Chœur Grégorien du Mans.
Lien vers l’article publié sur le blog ProntoPro.fr :
https://www.prontopro.fr/blog/ressentir-le-chant-gregorien-comme-une-priere-musicale/
Le chant grégorien comme une prière musicale
Nés de parents musiciens impliqués auprès du Cercle œcuménique du Mans, qui associe confessions et musique, Philippe Lenoble a naturellement évolué dans ce milieu et étudié la musique au Conservatoire National du Mans. Aujourd’hui directeur artistique du Chœur Grégorien du Mans, il nous parle de son parcours.
L’association « Chœur Grégorien du Mans » a pour but de faire connaître le chant grégorien en réalisant des concerts en France et à travers le monde comme à Moscou, Montréal, Washington ou encore Rome. Le chœur compte 25 personnes et a un répertoire très large. Le choix des chants s’applique en fonction de la saison ou de l’événement.
Selon lui, il faut avoir expérimenté une fois dans sa vie la pratique du chant grégorien. C’est une émotion musicale qui transporte vers une prière intense. Philippe Lenoble porte particulièrement attention à la voix, la qualité du timbre, l’homogénéité du son, le sens de la courbe, de la phrase mélodique et de la justesse.
Pouvez-vous nous parler de vous ?
Marié à une angevine, Chantal, nous avons eu 8 enfants et 9 petits enfants. Maître de chapelle à la cathédrale du Mans pendant 42 ans, je suis diacre de l’Eglise catholique depuis 1990. Durant ma vie professionnelle, deux distinctions officielles m’ont été attribuées, à savoir celle de Chevalier de l’ordre des « Arts et des Lettres » pour avoir œuvré pour le chant dans le domaine culturel et les « Palmes Académiques » délivrées par l’Education Nationale pour avoir travaillé à l’expansion du chant choral en Sarthe.
Pouvez-vous nous dire plus sur le Chœur Grégorien du Mans ?
L’association “Chœur Grégorien du Mans” était souhaitée et créé à l’initiative de l’éminent et regretté Maître de chœur de l’Abbaye St Pierre de Solesmes : Dom Jean Claire. L’année 2020 verra le chœur fêter ses 40 ans d’existence. A l’origine le chœur était composé d’hommes uniquement. Aujourd’hui, les voix de femmes y sont conviées.
Quelques choristes acceptent de se produire en soliste. Ils contribuent par la même occasion à la diversité des sonorités et des timbres de voix tout particulièrement dans les auditions comme l’exige le récent concert donné à l’église St Croix au Mans.
Quelles ont été vos motivations pour exercer à la fois ce travail et cette passion du chant grégorien ?
Le fait d’avoir effectué un travail dans une grande entreprise mancelle ne convenait pas à ma philosophie, à ma manière d’être. Ainsi, cette courte expérience m’a poussé à reprendre et terminer les études musicales déjà avancées. Après un diplôme à l’Université du Maine, j’ai étudié les manuscrits médiévaux de musique à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne, Paris IV. Jean Jeanneteau, éminent spécialiste du chant grégorien, m’enseigna la lecture des manuscrits liturgiques dans le cadre de l’Université catholique d’Angers. La chance me fut donnée par la suite de participer à des sessions de chant grégorien totalement subventionnées par le Ministère de la Culture au Centre Culturel de l’Abbaye cistercienne de Sénanque. Cette formation s’étalait sur deux semaines d’été chaque année au cœur des champs de lavande. Magnifique. Par la suite, la direction de ces sessions me fut confiée au Centre Culturel de l’Abbaye Royale de Fontevrault dans le Maine et Loire. On y apprenait à écrire les différents neumes à la plume d’oie. Aujourd’hui, je réponds désormais à la demande instante d’une dizaine de monastères bénédictins et cisterciens.
Comment vous et les membres de la chorale préparez-vous vos voix en répétition et durant les célébrations et concerts ?
La voix, c’est un muscle à faire travailler le plus régulièrement possible. Il faut bien connaître son corps et prendre conscience de sa propre respiration : l’énergie donnée pour le son en dépend. Il nous faut augmenter la capacité respiratoire si l’on veut avoir une bonne colonne d’air : ainsi la phrase peut se développer dans sa totalité. Le maintien corporel, le visage épanoui, le regard ouvert, une bonne respiration, toutes ces attitudes contribuent à la réussite du chant donné. Des vocalises pour étendre la tessiture de la voix s’imposent aussi. Des exercices de prononciation, la conscientisation de la véritable couleur de chacune des voyelles à réaliser.
L’espace du chant pour les répétitions, les célébrations et les concerts est le plus souvent réalisé en complicité avec une architecture romane ou gothique. Pour le chant sacré, les matériaux en bois et en pierre sont très favorables à une bonne interprétation et particulièrement dans des lieux voûtés où l’acoustique naturelle a tous ses droits. Le son et la vue s’accordent avec en point source : le chanteur.
Quel état d’esprit nécessite l’activité du chant et plus spécifiquement le chant grégorien ?
Ce chant nécessite déjà à la base un silence intérieur avant et après l’exécution d’une pièce musicale. « Le silence qui précède et suit une musique fait partie de la musique » disait Wolfgang Amadeus Mozart. Il exige une écoute de tout instant. Rappelons qu’il s’agit d’un chant en langue latine, à l’unisson, c’est-à-dire à 1 voix, a capella : sans l’aide d’instrument de musique.
Une écoute qui comprend le texte chanté puisque la musique émane totalement du mot : elle en subit l’influence totale. La mélodie essaiera même parfois de faire dire, plus que le texte lui-même, d’élever la conscience au maximum vers les hauteurs sans aucune sensiblerie, ni même d’affect. Chaque chant exprime un monde sonore dans lequel il faut rentrer. Bien évidemment quelques mots vibreront plus que d’autres selon leur sens et la sensibilité du chanteur.
Que recommandez-vous aux chefs de chœur débutants pour progresser et exceller dans leur responsabilité ?
Une bonne technique vocale s’avère indispensable. C’est un préalable car il faut donner l’exemple. La connaissance de la première notation musicale du 9ème siècle est aujourd’hui incontournable : si elle indique que trop peu le rythme et la mélodie, elle n’est pas avare de renseignements sur la manière de chanter d’une part et d’autre part sur la dynamique agogique suggérés aux divers mots chantés. Des sessions de formation avec des chefs de chœurs reconnus, des rencontres avec des liturgistes, des colloques pour élargir son champ de connaissance existent en ce domaine spécialisé et emprunt de multiples exigences pédagogiques, musicales, liturgiques et spirituelles.
Quels sont vos conseils pour conserver sa voix et bien chanter en chorale ?
Chanter dans une chorale, c’est déjà se retrouver pour mettre sa voix à l’unisson de toutes celles des autres. C’est abandonner les soucis de la vie quotidienne pour chanter un texte délibérément porteur dans lequel les mots pour la plupart tirés de textes sacrés anciens expriment tous les sentiments : pleurs et joie, succès et souffrances, fatigue et enthousiasme…Le livre des 150 psaumes, à cet effet, est riche en états d’âme. Chacun ressent un jour ou l’autre dans sa vie, une de ces sensations extrêmes ! Le fait de chanter oxygène le cerveau et installe un certain bien-être au fur et à mesure de la mémorisation des chants. Ainsi, les choristes disent toujours être davantage relaxés à l’issue d’une répétition.